de s’entendre appeler un musicien polonais. Pourtant, il fut un musicien national par excellence.
N’a-t-on pas vu maintes fois un poëte ou un artiste, résumant en lui le sens poétique d’une société, représenter dans ses créations d’une manière absolue les types qu’elle renfermait ou voulait réaliser ? On l’a dit à propos de l’épopée d’Homère, des satires d’Horace, des drames de Caldéron, des scènes de Terburg, des pastels de Latour. Pourquoi la musique ne renouvellerait-elle pas à sa manière, un fait pareil ? Pourquoi n’y aurait-il pas un artiste musicien, reproduisant dans son style et dans son œuvre, tout l’esprit, le sentiment, le feu et l’idéal d’une société qui, durant un certain temps, forma un groupe spécial et caractéristique en un certain pays ? Chopin fut ce poëte pour son pays et pour l’époque où il y naquit. Il résuma dans son imagination, il représenta par son talent, un sentiment poétique inhérent à sa nation et répandu alors parmi tous ses contemporains.
Comme les vrais poètes nationaux, Chopin chanta sans dessein arrêté, sans choix préconçu, ce que l’inspiration lui dictait spontanément ; c’est de la sorte que surgit dans ses chants, sans sollicitation et sans efforts, la forme la plus idéalisée des émotions qui avaient animé son enfance, accidenté son adolescence, embelli sa jeunesse. C’est ainsi que se dégagea sous sa plume « l’idéal réel » parmi les siens, si l’on ose dire ; l’idéal vraiment existant jadis, celui dont tout le monde en