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En vérité, je ne me suis jamais trouvé si petit qu’en lisant ces lettres de Marwitz. Cet imberbe était arrivé dans l’espace de quinze jours à soulever le voile de l’idole de l’école cosmopolite, et pour cela il m’a fallu, à moi, de longues années dans l’âge mûr. On doit admirer surtout son parallèle entre Napoléon et Adam Smith, tracé en deux mots. Ce sont les deux plus puissants monarques de la terre ; il aurait dit sans doute ravageurs de la terre, si cette expression n’avait pas été périlleuse en l’année 1810. Quel coup d’œil jeté sur les grandes affaires du monde ! Quelle intelligence !

Après ces déclarations je ferai l’aveu sincère, que j’ai raturé, après l’avoir achevé, le chapitre de ce volume qui traitait d’Adam Smith ; je l’ai fait uniquement par un respect exagéré pour un nom célèbre et dans la crainte qu’on ne qualifiât d’arrogance la franchise de mon appréciation.

Ce que j’ai dit dans ce premier travail, je ne pourrais le répéter ici en détail, sans grossir ma préface aux proportions d’un volume, car j’ai réduit au moins six feuilles d’impression à une seule ; je dois me borner à de courtes indications. Je disais que l’économie politique avait, dans ses parties les plus importantes, celles qui traitent du commerce international et de la politique commerciale, immensément reculé sous l’influence d’Adam Smith ; que, par lui, le sophisme, la scolastique, l’obscurité, le mensonge et l’hypocrisie avaient pénétré dans cette science ; que la théorie était devenue l’arène de talents douteux et qu’elle avait effarouché la plupart des hommes d’intelligence, d’expérience, de bon sens et de rectitude d’esprit ; que Smith a pourvu les sophistes d’arguments, pour frustrer les nations de leur présent et de leur avenir. Je rappelais, d’après la biographie faite par Dugald Steward, que ce grand esprit ne serait pas mort tranquille si tous ses manuscrits n’avaient pas été brûlés, et je trouvais dans ce fait comme un véhément soupçon que ces papiers portaient témoignage contre sa sincérité[1]. Je montrais comment,

  1. L’animosité de List contre Adam Smith est ici d’une exagération puérile. N’était-il pas plus naturel de supposer que l’auteur de la Richesse des