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Ce n’est pas de ces deux hommes, assurément, qu’émane le jugement favorable porté sur mon mémoire, je l’attribue au baron Dupin. M. Dupin, qui a de l’éloignement pour toute

    j’ai sujet de me plaindre. On peut porter, sur le mérite de mes travaux, le jugement qu’on voudra, mais il n’est permis à personne d’en contester la sincérité. Réclamer contre une odieuse accusation, c’est un devoir envers moi-même, et c’est mon droit. Je pourrais me prévaloir de ce droit légal, mais votre loyauté m’accordera, sans doute, d’elle-même, la faculté de répondre dans le même recueil où j’ai été attaqué.
          Voici les faits. List a écrit, dans la préface de son Système national, que M. Blanqui avait borné son ambition à délayer J. B. Say, qui, lui-même, avait délayé Adam Smith. Cette épigramme a justement blessé votre collaborateur, qui l’exagère, du reste, en la qualifiant d’injure brutale ; et il m’a fait l’honneur de m’adresser, à ce sujet, en octobre dernier, une lettre vive. Je me suis empressé de lui répondre poliment. Mes explications, apparemment, ne l’ont pas satisfait ; car, dans ses Lettres sur l’Exposition de Londres, qui ont paru peu après, on lit, sur Frédéric List, une note regrettable et qui dépare le volume. M. Blanqui avait annoncé, en outre, qu’il publierait un article terrible. Le foudre vengeur était depuis si longtemps suspendu sur ma tête que je n’y pensais plus ; il est tombé enfin ; mais, heureusement pour moi, il a raté ; cette fois, quelque maligne influence avait paralysé le bras du Jupiter économique. L’article du Journal des Économistes n’est guère qu’une répétition de la lettre et une amplification de la note ; il se distingue, néanmoins, de l’une et de l’autre par une amertume particulière contre le traducteur.
          J’admets le grief de M. Blanqui contre List, bien que je trouve notre pauvre compatriote bien acharné dans sa rancune, mais je ne puis m’expliquer sa malveillance à mon égard.
          M. Blanqui trouve mauvais que j’aie traduit le Système national. Étrange reproche, en vérité ! Singulier libéralisme ! Vous voulez ouvrir notre marché aux laines et aux bestiaux d’Allemagne et le fermer aux produits de la pensée allemande ! Vous réclamez la concurrence étrangère pour les éleveurs français, et vous n’en voulez pas pour vous-même, économiste français ! Que toutes les barrières tombent, mais qu’on en élève une nouvelle à votre profit contre la science d’outre-Rhin ; vous suffisez si pleinement, en effet, aux besoins de la consommation française !
          M. Blanqui aurait désiré que certain passage de la préface de l’auteur fût omis dans la traduction. « Ce n’est pas ainsi qu’on traduit quand on est Français, » m’a-t-il fait l’honneur de m’écrire en octobre dernier. Je ne savais pas que la qualité de Français dispensât un traducteur de l’exactitude et de la fidélité. Le passage dont il s’agit, je l’ai traduit littéralement comme tous les autres ; mais j’en ai décliné la responsabilité par la note suivante : « Mon rôle de traducteur m’impose ici, quoi qu’il m’en coûte, une fidélité scrupuleuse. Le bon sens des lecteurs reconnaîtra aisément ce qu’il y a d’injuste et de passionné dans ces jugements et dans quelques autres. » Ce correctif suffisait, certes ; l’idée ne m’était pas venue un instant qu’un homme