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publique et des institutions d’utilité générale ; son sens moral et religieux, son amour du travail et de l’économie ; sa persévérance opiniâtre en même temps que son esprit inventif, sa population considérable et robuste, l’étendue et la nature de


    deux puissantes nations dont les intérêts politiques se confondent, pour ainsi dire. Ce langage de sir Hubert Peel était de tout point conforme aux traditions de la politique commerciale anglaise, et l’on ne pouvait en attendre un autre de celui qui venait de s’illustrer en consommant la grande réforme douanière de 1846. La lettre de lord Palmerston est écrite dans le même esprit, avec cette différence qu’au lieu d’être convenable et polie, elle est dogmatique et pédantesque.
      « List n’avait pourtant pas été avare de politesses envers l’Angleterre ; il lui prodiguait, au contraire, les éloges les plus vifs, et il ne la priait de permettre à l’Allemagne de devenir riche et puissante que pour servir un jour d’instrument à la grandeur britannique. On s’étonne, au premier abord, en lisant le Mémoire, de ce changement soudain de langage ; on se demande si c’est bien là le même homme, si c’est bien là le patriote ardent qui ne cessait d’exciter ses concitoyens à secouer le joug des Anglais, à les expulser du littoral de la mer du Nord, sans épargner au besoin l’invective à ces orgueilleux dominateurs. Si l’on regarde de plus près, c’est toujours en effet le même homme, invariablement appliqué à la poursuite du même but, l’émancipation de son pays ; il a seulement changé de moyens. Au milieu d’une lutte persévérante dont les résultats effectifs avaient été jusque là des plus minces, List s’était figuré qu’il pourrait obtenir du bon sens et de l’intérêt bien entendu de ses adversaires ce qu’il n’avait pu leur arracher en les combattant. C’était la plus étrange des illusions ; on ne doit jamais son émancipation qu’à soi-même, et les influences prépondérantes ne se retirent point volontairement, elles ne cèdent que devant une force supérieure. Le Zollverein ne se complétera que par ses seuls efforts, et l’Allemagne ne deviendra indépendante et riche qu’à la condition de surmonter tous les obstacles qui lui seront opposés ; ce développement pénible et disputé, c’est la loi de tous les peuples et de tous les temps. Peut-être, sous l’empire de la préoccupation du moment, celle d’écarter l’opposition des intérêts britanniques, List a-t-il fait bon marché de l’avenir de son pays en lui assignant pour destinée d’aider l’Angleterre à triompher de ses rivales et à étendre sur le monde, des parages de la Manche aux mers de la Chine et de la Malaisie, sans solution de continuité, le réseau d’une domination gigantesque. Est-ce donc pour ce rôle secondaire, pour cette mission subalterne qu’il a si éloquemment et si constamment convié l’Allemagne à l’unité ? Quelque puissantes que soient les affinités de race, elles ne suffisent pas cependant pour cimenter des alliances entre les peuples ; si la communauté d’origine n’empêche pas la rivalité des Etats-Unis avec l’Angleterre, on ne voit pas pourquoi, ainsi que List le suppose, elle deviendrait entre l’Angleterre et l’Allemagne, l’Allemagne devenue une et puissante, un principe d’intimité, d’une intimité qui subordonnerait l’un des deux pays à l’autre.
      « Cette alliance avec l’Angleterre avait pour but de mettre l’Allemagne