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l’industrie du pays n’eût pu réussir à approvisionner le marché de l’Angleterre et celui des colonies britanniques, et l’on sait que les lords Castlereagh et Liverpool établirent dans le Parlement que, sans protection, la fabrication anglaise ne pourrait pas soutenir la concurrence des toiles de l’Allemagne. Or, aujourd’hui nous voyons les Anglais, qui, de tout temps, avaient été les plus mauvais fabricants de toiles de l’Europe, tendre, grâce à leurs inventions, à exercer en Europe le monopole de l’industrie linière, de même que, depuis cinquante ans, ils ont envahi l’Inde avec leurs tissus de coton, eux qui durant des siècles n’avaient pas même été capables de soutenir sur leur propre marché la concurrence des tissus de lin.

En ce moment on discute en France la question de savoir comment il se fait que, dans ces derniers temps, l’Angleterre ait accompli de si rapides progrès dans la fabrication de la toile, bien que Napoléon, le premier, ait provoqué, par un prix considérable, l’invention d’une machine à filer le lin, et que les mécaniciens et les industriels français se soient occupés de cet objet avant leurs rivaux d’outre-manche. On se demande lesquels, des Anglais ou des Français, ont le plus de dispositions pour la mécanique. On donne toutes les explications, excepté la véritable. Il est déraisonnable d’attribuer aux Anglais plus de dispositions pour la mécanique, et une plus grande aptitude pour l’industrie en général qu’aux Allemands ou aux Français. Avant Edouard III, les Anglais étaient les plus grands fainéants, les plus grands vauriens de l’Europe ; alors l’idée ne leur fût pas venue de se comparer, pour le génie de la mécanique et pour l’aptitude industrielle, aux italiens, aux Belges ou aux Allemands. Depuis, leur gouvernement a fait leur éducation, et ils sont arrivés peu à peu à pouvoir contester à leurs maîtres la capacité industrielle. Si, dans le cours des vingt dernières années, les Anglais ont su, mieux que d’autres peuples et en particulier que les Français, construire les machines nécessaires à l’industrie du lin[1],

  1. L’auteur paraît ignorer que c’est un Français, Philippe de Girard, qui a inventé la machine à filer le lin. (H. R.)