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les années suivantes par l’emploi des nouveaux procédés ; et, dans cette négociation, il avait compté sur l’ignorance où était le gouvernement français de ces procédés et de leurs conséquences nécessaires. Aujourd’hui les auteurs de ce dégrèvement veulent faire croire qu’il ne s’agissait que d’une concession à la fabrication belge. Mais justifient-ils ainsi leur ignorance des progrès de l’Angleterre et leur défaut de prévoyance ?

Quoi qu’il en soit, il n’est pas douteux, du moins, que la France, sous peine de sacrifier à l’Angleterre la plus grande partie de sa fabrication de toiles, doit la protéger de nouveau, et que le premier essai de notre époque pour étendre la liberté du commerce entre l’Angleterre et la France a fourni un témoignage ineffaçable de l’habileté britannique et de l’inexpérience française ; c’est comme un nouveau traité de Méthuen, et comme un second traité d’Éden[1].

Que fit M. Poulett Thompson quand il entendit les plaintes des fabricants de toiles en France et qu’il vit le gouvernement français disposé à réparer la faute qu’il avait commise ? Il fit ce que Huskisson avait fait avant lui, il menaça de prohiber les vins et les soieries de la France. Voilà le cosmopolitisme de l’Angleterre ! Il fallait que la France laissât périr une industrie qui datait d’un millier d’années, une industrie étroitement liée à toute l’existence des classes populaires et particulièrement à l’agriculture, dont les produits sont au nombre des objets de première nécessité pour toutes les classes, et peuvent être estimés à une valeur totale de trois à quatre cents millions, et cela pour acheter le privilège de vendre des vins et des soieries à l’Angleterre pour quelques millions de plus qu’auparavant. Indépendamment de cette disproportion dans les valeurs, on n’a qu’à se demander où en serait la France, dans le cas

  1. Sans rechercher ici si l’allégation de List sur le machiavélisme supposé de l’Angleterre et sur la prétendue duperie de la France est exacte, je ferai remarquer que l’exhaussement du tarif français sur les fils et tissus de lin et de chanvre en 1842 n’a pas tardé à vérifier ses prévisions. (H. R.)