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Il est digne de remarque, et, si nous ne nous trompons, on l’ignore généralement, que J.-B. Say avait un frère dont le bon sens et la sagacité avaient reconnu l’imperfection de la théorie des valeurs échangeables, et que lui-même, en présence des doutes de ce frère, a exprimé des doutes sur la vérité de sa doctrine.

Louis Say, de Nantes, pensait qu’il s’était introduit dans l’économie politique une vicieuse nomenclature, source de nombreuses difficultés, et que son frère même n’était pas sans reproche à cet égard[1]. Dans son opinion, la richesse des nations consiste, non dans les biens matériels et dans leur valeur échangeable, mais dans le pouvoir de produire ces biens d’une manière continue. La théorie de la valeur échangeable de Smith et de J.-B. Say n’envisage la richesse que du point de vue étroit d’un marchand, et le système qui veut réformer ce qu’on appelle le système mercantile n’est pas lui-même autre chose qu’un étroit système mercantile. Jean-Baptiste avait répondu aux doutes et aux objections de son frère, que sa méthode (sa méthode à lui J.-B. Say ?), savoir la théorie de la valeur échangeable, était loin d’être bonne, mais que la difficulté était d’en trouver une meilleure[2].

  1. Louis Say, Études sur la richesse des nations. Préface, page iv.
  2. Voici les propres termes dont s’est servi Louis Say dans sa brochure, publiée en 1836 :
      Préface, page iv : « Quoique Adam Smith ait beaucoup contribué à l’avancement de la science de la richesse des nations, cependant sa fausse théorie, ainsi que la vicieuse nomenclature qu’il y a introduite, a fait naître presque toutes les difficultés qu’elle présente.
      Page 10 : « La richesse de quelqu’un consiste bien dans le pouvoir qu’il a de satisfaire ses besoins et ses goûts, mais, cependant, pourvu que ce ne soit pas momentanément ; car quelqu’un qui pourrait en satisfaire une immense quantité en un seul jour, et ne pourrait en satisfaire aucun le jour suivant, serait moins riche que celui qui peut en satisfaire une moins grande quantité, mais un grand nombre de jours. »
      Note, page 14 : « L’école moderne d’Adam Smith appelle le système qui fait consister la richesse dans les métaux précieux, le système mercantile. Les marchands font consister la richesse dans la valeur vénale de ce qu’ils possèdent, et c’est son système qui doit être appelé le système mercantile. »
      Note, page 36 : « Lorsque J.-B. Say, mon frère, me demanda mes observations