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de civilisation ancienne dont l’agriculture a déjà atteint un haut degré de développement[1] .


CHAPITRE III.

l'école physiocratique ou le système agricole.


Si la grande tentative de Colbert avait réussi, si la révocation de l’édit de Nantes, le faste de Louis XIV et sa passion pour la gloire, les débauches et les dissipations de son successeur n’avaient pas étouffé les germes que Colbert avait semés, si, en conséquence, il s’était formé en France une

  1. L’opinion vulgaire qui attachait un prix exagéré à la possession des métaux précieux est fort ancienne, on la retrouve chez les écrivains de l’antiquité, et elle ne peut être imputée au système mercantile, qui n’a pas su, il est vrai, s’élever au-dessus d’elle, mais qui, cependant, a provoqué la levée des restrictions et la sortie du numéraire, quand ce numéraire était employé dans le commerce des Indes orientales. Les erreurs de nos aïeux en matière d’industrie et de commerce jusqu’à l’avènement de la science économique ont été nombreuses ; on les trouve en quelque sorte résumées dans un passage de l’ouvrage le plus populaire de François Bacon, ses Essais de morale et de politique, où elles sont mêlées à des vérités : « Les moyens qui peuvent diminuer la pauvreté dans un État consistent à dégager toutes les routes du commerce, à lui en ouvrir de nouvelles et à en bien régler la balance, à encourager les manufactures, à bannir l’oisiveté, à mettre un frein au luxe et aux dépenses ruineuses par des lois somptuaires, et à encourager aussi par des récompenses et par de bonnes lois les perfectionnements agricoles, à régler le prix des denrées, à modérer les taxes… Une nation ne peut s’accroître, par rapport aux richesses, qu’aux dépens des autres, attendu que, ce qu’elle gagne, il faut bien que quelqu’un le perde. Or, il est trois sortes de choses qu’une nation peut vendre à une autre, savoir, le produit brut, le produit manufacturé et le prêt. Lorsque ces trois roues principales tournent avec aisance, les richesses affluent dans le pays. Quelquefois, suivant l’expression du poète, le travail a plus de prix que la matière ; je veux dire que le prix de la main-d’oeuvre ou du transport excède souvent celui de la matière première et enrichit plus promptement un État. C’est ce dont nous voyons un exemple éclatant dans les Pays-Bas. » Toutes les hérésies économiques contenues dans ces lignes constituent-elles ce qu’on appelle le système mercantile ? C’est une affaire de définition. Ce qui caractérise essentiellement ce système, c’est, comme le dit Adam Smith, de chercher à enrichir les sociétés particulièrement à l’aide des manufactures et du commerce ; et l’état social de l’Europe avant 1789 explique suffisamment une préférence qui n’a plus de sens aujourd’hui ; cette tendance de la pratique qui résultait de la nature des choses a trouvé ses théoriciens inexpérimentés, dont les doctrines n’ont exercé d’ailleurs sur elle que peu d’influence ; car les restrictions commerciales ont été provoquées par l’intérêt bien ou mal entendu du travail du pays et par les haines nationales beaucoup plus souvent que par la théorie de la balance du commerce. Le grand moyen du système mercantile, ou la protection douanière, a survécu à cette théorie aujourd’hui décriée, et il a peut-être encore plus d’avenir que beaucoup d’économistes ne le supposent. Quoi qu’il en soit, la science doit faire une certaine part à ce qui a occupé et à ce qui occupe encore dans les faits une si large place. (H. R.)
      — Quelles qu’aient été les erreurs et les absurdités du système mercantile tel qu’il a été pratiqué par les hommes d’État de l’Angleterre durant les deux derniers siècles, elles ne sont pas comparables aux erreurs et aux absurdités de la théorie actuellement en vogue, telle qu’elle a été développée par les économistes. Les deux systèmes exagèrent l’importance du commerce, et en font un agent principal dans la production de la richesse. Ils oublient que le commerce n’est que le serviteur de l’industrie, l’agent de la distribution des produits de celle-ci. Le système mercantile a sur l’école moderne cet avantage, qu’il employait les restrictions commerciales pour protéger et pour encourager l’industrie, tandis que l’école ne demande autre chose que des opérations de négociants affranchis de toute entrave et libres de faire tout ce que l’amour du gain peut leur conseiller. Si l’ancien système a été appelé système mercantile, le nouveau devrait être désigné par le nom de système commercial, comme étant, en réalité, beaucoup plus commercial que le premier. Il remet les intérêts de l’industrie, les intérêts matériels du pays en général, aux mains des négociants.
      Nous espérons que le temps n’est pas éloigné où le système industriel sera inauguré, non-seulement pour la production de la richesse, mais pour le développement du bien-être de l’homme, ainsi que des ressources et de la puissance de la nation. (S. Colwell.)