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treux effets de cette protection. L’Angleterre, si bien faite, ainsi que nous l’avons montré dans un précédent chapitre, pour servir de modèle et d’objet d’émulation à toutes les nations qui ont une vocation manufacturière, est citée par les théoriciens à l’appui de leur assertion que la faculté d’exercer l’industrie manufacturière est un don naturel exclusivement réservé à certains pays, comme la faculté de produire des vins de Bourgogne, et que l’Angleterre, entre toutes les autres contrées, a reçu la mission de s’adonner aux manufactures et au commerce en grand. Examinons de près ces exemples.

En ce qui touche la Suisse, on doit remarquer tout d’abord qu’elle n’est point une nation, une nation normale, une grande nation, mais un assemblage de municipalités. Sans littoral maritime, resserrée entre deux grandes contrées, elle ne peut ambitionner une navigation marchande ni des relations directes avec les pays de la zone torride ; elle ne peut songer à se créer des forces navales, à fonder ou à acquérir des colonies. La Suisse a jeté les bases de sa prospérité actuelle, qui est au surplus fort modeste, dès le temps ou elle appartenait à l’empire d’Allemagne. Depuis lors elle a été fort épargnée par la guerre ; les capitaux ont pu s’y accroître de génération en génération, d’autant mieux que ses gouvernements municipaux ne lui demandaient, pour ainsi dire, aucun impôt. Tandis que, dans les derniers siècles, le reste de l’Europe était en proie au despotisme, au fanatisme religieux, à la guerre et aux révolutions, la Suisse offrait un asile à tous ceux qui cherchaient un abri pour leurs capitaux et pour leurs talents, et il lui vint ainsi du dehors d’importantes ressources. L’Allemagne ne s’est point rigoureusement close vis-à-vis de la Suisse, et une grande partie de la production manufacturière de celle-ci y a de tout temps trouvé un débouché. Son industrie n’était pas du reste une industrie nationale à proprement parler, embrassant les objets de consommation générale, c’était principalement une industrie de luxe dont les produits étaient aisément introduits par la contrebande