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J.-B. Say a compris l’inconséquence de ces exceptions ; mais celle qu’il leur a substituée ne vaut pas mieux. Car, chez une nation que ses dons naturels et sa culture appellent

    deux cas dans lesquels il est avantageux en général d’établir quelque charge sur l’industrie étrangère pour encourager l’industrie nationale. Le premier, c’est quand une branche particulière de travail est nécessaire à la défense du pays, et Smith cite à ce propos l’acte de navigation ; il revient sur ce cas au chapitre v du même livre, et accorde que, si une fabrication nécessaire à la défense nationale ne peut se soutenir sans protection, il sera raisonnable que les autres industries soient imposées pour l’encourager ; que, d’après ce principe, les primes qui étaient alors allouées en Angleterre à l’exportation des voiles et de la poudre pouvaient peut-être se justifier. Le second cas, c’est quand le produit national est chargé lui-même de quelque impôt dans l’intérieur ; il lui paraît convenable qu’on établisse un pareil impôt sur le produit semblable venu de l’étranger. Plus loin il admet une troisième exception, qui se motive sur les forts droits ou sur les prohibitions par lesquelles une nation étrangère empêche l’importation chez elle de nos produits manufacturés ; suivant lui, des représailles peuvent être alors d’une bonne politique, s’il y a probabilité qu’elles amènent la révocation des gros droits ou des prohibitions dont on a à se plaindre ; car, ajoute-t-il, l’avantage de recouvrer un grand marché étranger fera plus que compenser l’inconvénient passager de payer plus cher, pendant un court espace de temps, quelques espèces de marchandises.
      List est fondé à soutenir que l’exception qui s’appuie sur la nécessité de la défense nationale implique la concession de tout le système protecteur tel qu’il l’entend, système où il voit un moyen d’accroître les ressources et d’assurer l’indépendance du pays. Mais la conclusion semblable qu’il tire de celle relative aux industries qui supportent des droits à l’intérieur, est évidemment fautive. Smith, en effet, distingue avec soin les taxes directement et spécialement imposées sur certaines marchandises, telles que les droits d’excise, qui, établis aussi sur les produits étrangers, ne donnent point à l’industrie nationale le monopole du marché intérieur et ne portent point vers un emploi particulier plus de capital et de travail qu’il ne s’en serait porté naturellement, et le système des impôts en général, à quelque degré qu’il affecte ces marchandises. Smith n’admet pas que le gouvernement ait à encourager l’emploi des capitaux et de l’industrie des particuliers dans cette cherté artificielle causée par les impôts plus que dans la cherté naturelle qui résulte de la pauvreté du sol ou de la rigueur du climat. Quant aux mesures de rétorsion contre les nations étrangères qui repoussent nos produits, l’histoire commerciale offre, on ne peut le nier, quelques exemples, même récents, où elles ont porté de bons fruits en provoquant des arrangements avantageux aux deux parties contractantes ; mais, à part ces cas peu fréquents, elles constituent une détestable politique, qu’Adam Smith blâme aussi énergiquement que qui que ce soit. Toute nation a le droit de régler sa législation de douane en vue de ses intérêts bien ou mal compris, sans que