Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/442

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

stance favorable que, plus que tout autre pays, ils peuvent compter sur l’immigration des capitaux, des hommes d’art, des entrepreneurs et des ouvriers de l’Angleterre.

En thèse générale, on doit admettre qu’un pays ou une branche de fabrication ne peut pas naître à l’aide d’une protection de 40 à 60 % à son début, et ne peut pas se soutenir ensuite avec 20 à 30, manque des conditions essentielles de l’industrie manufacturière[1].

Les causes de cette impuissance peuvent être plus ou moins faciles à écarter. Parmi celles qui peuvent aisément disparaître se rangent le manque de voies de communication, le défaut de connaissances techniques, d’expérience et d’esprit d’entreprise en industrie ; parmi les plus résistantes, le

  1. Il est fort difficile d’établir une règle générale quant aux taux des droits protecteurs. Les taux ci-dessus énoncés doivent plus que suffire dans la plupart des cas ; mais si des gouvernements et des fabricants étrangers s’appliquent à écraser une industrie dès son enfance, le droit doit être assez élevé pour paralyser toute tentative à cet effet. On sait que, dans beaucoup d’industries anglaises, les intéressés continuent des années à travailler à perte, et sacrifient de grandes sommes d’argent pour conserver des marchés qu’ils sont en danger de perdre. Il n’a guère surgi d’industrie aux États-Unis qui n’ait été, au début, rudement éprouvée par une réduction inattendue du prix de l’article étranger.
      Voici ce qu’on lit à ce sujet dans un rapport présenté en 1854, au Parlement, au sujet de la population des districts miniers.
      « Je crois que les ouvriers en général, et en particulier ceux des districts du fer et de la houille, ne se rendent pas compte de l’étendue de l’obligation qu’ils ont souvent envers les maîtres qui les emploient, ni de l’énormité des sacrifices que ceux-ci supportent dans les temps de crise, pour détruire la concurrence étrangère, pour prendre ou pour conserver possession des marchés étrangers. Il y a des fabricants bien connus qui ont continué en pareils cas de travailler à perte jusqu’à concurrence de 3 à 400.000 liv. ster. durant plusieurs années. Si les tentatives dans le but d’encourager les coalitions et les grèves d’ouvriers réussissaient à la longue, on verrait cesser ces vastes accumulations de capitaux qui permettent à quelques hommes opulents d’écraser toute concurrence étrangère dans les temps de crise. Les puissants capitaux de ce pays sont ses grands instruments de guerre, s’il est permis de parler ainsi, contre la rivalité des pays étrangers, et les moyens les plus essentiels qui nous restent pour maintenir notre supériorité manufacturière ; les autres éléments, tels que la main-d’œuvre à bon marché, l’abondance des matières brutes, les voies de communication, l’habileté industrielle, tendent à se généraliser rapidement. » (S. Colwell.)