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L’industrie manufacturière fournit ou des instruments de production, ou des moyens de satisfaire nos besoins, ou des objets de luxe. Généralement ces deux dernières classes d’articles se confondent. Partout les divers rangs de la société se distinguent par leur manière de se loger, de se meubler et de se vêtir, par le luxe de leurs équipages et par la qualité, le nombre et la tenue de leurs gens. Au plus bas degré de l’industrie manufacturière, cette distinction est faible, c’est-à-dire que tout le monde est mal logé et mal vêtu ; nulle part on ne remarque d’émulation. L’émulation naît et grandit à mesure que les métiers fleurissent. Dans les pays de fabriques qui prospèrent, chacun est bien logé et bien vêtu, quelques qualités diverses que présentent d’ailleurs les objets manufacturés qui se consomment. Pour peu qu’on se sente d’aptitude au travail, on ne veut pas avoir l’extérieur d’un nécessiteux. Les objets manufacturés excitent par conséquent la production sociale par des stimulants que l’agriculture ne peut offrir avec sa grossière fabrication domestique, avec ses matières brutes et ses denrées alimentaires.

Il existe, il est vrai, une notable différence parmi les denrées alimentaires, et l’excellence du manger et du boire a son attrait. Mais on ne fait pas ses repas en public, et un proverbe allemand dit avec justesse : On voit mon collet, mais non mon estomac[1]. Si, dès le bas âge, on est accoutumé à une grossière nourriture, ou en désire rarement une meilleure. De plus la consommation des denrées alimentaires, quand elle se réduit aux produits du voisinage, a des bornes très étroites. Ces bornes ne reculent dans les pays de la zone tempérée que par l’arrivage des denrées de la zone torride. Mais, nous l’avons vu dans un chapitre précédent, on ne peut se procurer ces dernières assez abondamment pour que toute la population du pays y ait part, autrement qu’au moyen d’un commerce extérieur d’articles manufacturés.

Évidemment les produits coloniaux, quand ils ne sont pas

  1. Man siebt mir auf den Kragen, nicht auf den Magen.