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des explications dont le résultat aurait témoigné hautement en faveur de la protection ?

En général l’école, depuis Adam Smith, a été malheureuse dans ses recherches sur la nature de la rente. Ricardo, et, après lui, Mill, Mac Culloch et d’autres sont d’avis que la rente est le prix de la fertilité naturelle de la terre[1]. Le premier a construit sur cette idée tout un système. S’il avait fait une excursion dans le Canada, il aurait pu, dans chaque vallée, sur chaque colline, faire des observations qui l’auraient convaincu que sa théorie était bâtie sur le sable, Mais, n’ayant que l’Angleterre sous les yeux, il est tombé dans cette erreur, que les champs et les prés anglais, dont l’apparente fertilité naturelle produit de si beaux fermages, ont été de tout temps les mêmes. La fertilité naturelle d’un terrain est dans l’origine si insignifiante et elle donne à celui qui en jouit un excédant de produits si mince, que la rente qu’on en retire mérite à peine ce nom. Le Canada tout entier, dans son étai primitif, uniquement habité par des chasseurs, aurait difficilement rapporté un revenu en viande et en peaux suffisant pour payer un professeur d’économie politique à Oxford. La capacité productive naturelle du sol, dans l’île de Malte, consiste en pierres dont on aurait peine à retirer une rente. Si l’on suit la marche

  1. La théorie de la rente n’appartient pas à Ricardo, comme on le dit communément ; Mac Culloch nous apprend que dès 1777, c’est-à-dire peu après la publication de la Richesse des nations, elle a été pour la première fois produite par James Anderson dans une brochure relative à la législation des céréales, et cela avec une netteté qui n’a pas été surpassée depuis. List semble ne la connaître que par les écrits de J.-B. Say, qui n’en avait pas apprécié l’importance et qui a jeté sur elle de la défaveur parmi les économistes du continent, défaveur qu’un exposé lumineux de Rossi n’a pas complètement fait cesser ; ou, du moins, s’il l’a étudiée dans les auteurs anglais eux-mêmes, il l’a bien mal comprise. S’il se fût fait une idée nette de la théorie de la rente, il ne l’eût pas défigurée comme il l’a fait ici ; et, au lieu de s’escrimer puérilement contre elle, il y eût trouvé des arguments pleins de force pour établir à la fois l’influence que l’industrie manufacturière exerce sur le taux de la rente, et les inconvénients de la protection, du moins d’une protection élevée pour l’agriculture. Au fond List est, sur cette question, beaucoup plus d’accord avec Ricardo qu’il ne le croit. (H. R.)