Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/383

Cette page a été validée par deux contributeurs.

désintéressement dont on leur faisait un si grand mérite et qu’ils ont été encouragés à s’en affranchir. Car, dans la plupart des États manufacturiers et chez les principaux, eux aussi, dans ces derniers temps, ont demandé et obtenu des droits protecteurs, à leur très-grand préjudice du reste, ainsi que nous l’avons établi. Lorsque précédemment les propriétaires s’imposaient des sacrifices pour naturaliser dans le pays l’industrie manufacturière, ils se conduisaient comme le cultivateur dans la solitude, qui contribue à l’établissement dans son voisinage d’un moulin à farine ou d’une forge. Quand aujourd’hui ils réclament protection pour l’agriculture, c’est comme si le cultivateur dont nous venons de parler, après avoir aidé à construire le moulin, demandait au meunier de l’aider lui-même à labourer ses champs. Ce serait là, sans contredit, une demande insensée. L’agriculture ne peut fleurir, la rente et la valeur du sol ne peuvent hausser qu’autant que les manufactures et le commerce prospèrent, et les manufactures ne peuvent prospérer là où l’arrivage des matières brutes et des denrées alimentaires est entravé. C’est ce qu’ont partout compris les manufacturiers. Si cependant les propriétaires ont, dans la plupart des grands États, obtenu des droits protecteurs, il y a pour cela un double motif. Dans les États représentatifs leur influence sur la législation est prépondérante, et les manufacturiers n’ont pas osé résister opiniâtrement à un désir insensé, de peur de rendre ainsi les propriétaires favorables à la liberté du commerce ; ils ont préféré transiger avec eux.

L’école a de plus insinué aux propriétaires, qu’il était aussi extravagant de faire naître des manufactures par des moyens factices que de produire du vin en serre chaude sous un climat glacé, que les manufactures surgissaient d’elles-mêmes par le cours naturel des choses, que l’agriculture offre beaucoup plus d’occasions d’accroître le capital, que le capital du pays ne peut être augmenté par des mesures artificielles, qu’il ne peut recevoir de la loi et des règlements publics qu’une direction moins favorable au développement de la richesse. Enfin,