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profit ? Ce n’est que par l’industrie manufacturière que les peuples arrivent à comprendre la valeur du temps. C’est alors que gagner ou perdre du temps, c’est gagner ou perdre des intérêts. Le zèle que met le manufacturier à tirer de son temps le meilleur parti possible se communique à l’agriculteur.

Les manufactures augmentant la demande des produits agricoles, la rente s’élève, partant la valeur du sol ; des capitaux plus considérables sont employés à l’exploitation, les consommations se multiplient ; il faut retirer de la terre un plus grand produit pour faire face à une rente plus élevée, aux intérêts des capitaux et à une consommation plus étendue. On est en position d’offrir de plus forts salaires, mais on réclame en même temps de plus grands services. L’ouvrier commence à s’apercevoir que, dans sa force corporelle et dans l’adresse avec laquelle il en fait usage, il possède le moyen d’améliorer sa condition. Il commence à comprendre pourquoi dit en Angleterre : Le temps c’est de l’argent.

L’isolement dans lequel vit le cultivateur et son peu de lumières ne lui permettent guère de contribuer à la civilisation générale ni d’apprécier le mérite des institutions politiques, encore moins de prendre une part active à la conduite des affaires publiques et à l’administration de la justice, ou de défendre sa liberté et ses droits. Partout les nations purement agricoles ont vécu dans l’esclavage ou du moins sous le joug du despotisme, de la féodalité ou de la théocratie. Déjà la possession exclusive du sol assure à l’autocrate, aux grands ou à la caste des prêtres, sur la masse de la population rurale, une autorité à laquelle celle-ci ne saurait se soustraire d’elle-même.

Partout, sous l’empire de l’habitude, le joug imposé par la force ou par la superstition et par la puissance théocratique aux nations purement agricoles s’imprime sur elles si fortement qu’elles finissent par le considérer comme une partie essentielle d’elles-mêmes et comme une condition de leur existence.

La loi de la division des tâches et de l’association des