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Évidemment l’agriculture ne requiert que les mêmes espèces de capacités, la force du corps et la persévérance dans l’exécution de taches grossières, unies à un certain esprit d’ordre, tandis que les manufactures exigent une immense variété de facultés intellectuelles, de talents naturels et acquis. La demande de cette grande diversité de dispositions, dans un pays manufacturier, permet à chaque individu de trouver une occupation, une vocation conforme à son aptitude, au lieu que, dans un pays agricole, le choix est des plus limités. Dans le premier, les dons de l’esprit sont infiniment plus estimés que dans le second, où le mérite d’un homme se mesure en général sur sa force corporelle. Il n’est pas rare d’y voir le travail de l’homme débile, de l’impotent, obtenir un prix beaucoup plus élevé que celui de l’homme le plus robuste. La moindre force, celle de l’enfant et de la femme, celle de l’impotent et du vieillard, trouve dans les manufactures emploi et rémunération.

Les manufactures sont filles des sciences et des beaux-arts, et ce sont elles aussi qui les entretiennent et qui les nourrissent. Voyez comme le cultivateur primitif a peu recours aux sciences et aux beaux-arts, comme il a peu besoin de leur aide pour la fabrication des grossiers instruments dont il se sert. Sans doute c’est l’agriculture qui dans l’origine a permis à l’homme, au moyen de la rente de la terre, de s’adonner aux sciences et aux beaux-arts ; mais, en l’absence des manufactures, ils sont restés constamment le partage de castes, et leurs effets bienfaisants se sont a peine fait sentir des masses. Dans un pays manufacturier, l’industrie des masses est éclairée par les sciences, qui à leur tour, ainsi que les beaux-arts, sont nourries par l’industrie des masses. À peine y-a-t-il une opération manufacturière qui ne se rattache à la physique, à la mécanique, à la chimie, aux mathématiques, ou à l’art du dessin. Il n’y a point de progrès, point de découverte dans les sciences, qui n’améliore et ne transforme cent industries. Dans un pays manufacturier, par conséquent, les sciences et les beaux-arts doivent devenir populaires. Le