Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/310

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

antérieurs ruinerait totalement. Le peuple agriculteur reconnaît que, pour rouvrir le débouché extérieur à ses produits agricoles, il aurait à sacrifier l’industrie manufacturière qui s’est élevée chez lui dans l’intervalle ; la nation manufacturière comprend qu’une partie de la production agricole qui s’est développée chez elle durant la guerre serait anéantie par une libre importation. Toutes les deux essaient donc de protéger ces intérêts au moyen des droits d’entrée. Telle est l’histoire de la politique commerciale pendant les cinquante dernières années.

La guerre a fait surgir les systèmes protecteurs modernes, et nous n’hésitons pas à soutenir qu’il était dans l’intérêt des puissances manufacturières de second et de troisième ordre de les maintenir et de les compléter, quand bien même, après le retour de la paix, l’Angleterre n’eût pas commis l’énorme faute de restreindre l’importation des denrées alimentaires et des matières brutes, par conséquent, de laisser subsister jusque pendant la paix les motifs de la protection. De même qu’une nation primitive et dont l’agriculture est à l’état barbare ne peut avancer que par le commerce avec des peuples manufacturiers et policés, celle qui a atteint un certain degré de culture ne peut parvenir qu’à l’aide de l’industrie manufacturière au plus haut point de prospérité, de civilisation et de puissance. Une guerre qui facilite le passage du régime agricole au régime agricole et manufacturier est donc une bénédiction pour un pays. C’est ainsi que la guerre de l’indépendance de l’Amérique du Nord, malgré les énormes sacrifices qu’elle a coûtés, y a été pour toutes les générations futures un véritable bienfait. Au contraire, une paix qui rejette dans l’agriculture pure et simple un peuple appelé à exercer l’industrie manufacturière, est pour lui une malédiction, et lui est incomparablement plus nuisible que la guerre.

Heureusement pour les puissances manufacturières de second et de troisième rang, l’Angleterre, après le rétablissement de la paix générale, a d’elle-même arrêté sa marche