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gère. Quand les Anglais excluent nos grains de leurs marchés, que font-ils autre chose qu’interdire à nos cultivateurs de semer le blé que, sous le régime de la libre importation, ils auraient expédié en Angleterre ? S’ils frappent nos laines, nos vins et nos bois de construction de droits si élevés que nos envois en Angleterre cessent entièrement ou à peu près, quelques-unes de nos industries ne sont-elles pas entravées dans une certaine mesure par le gouvernement britannique ? Il est évident que, dans de pareils cas, la législation étrangère donne à nos capitaux et à nos forces productives personnelles une direction que sans elle ils auraient difficilement suivie. Il suit de là que si nous négligions de donner, par notre propre législation, à notre industrie nationale une direction conforme à nos intérêts nationaux, nous ne pourrions pas empêcher du moins les peuples étrangers de régler notre industrie nationale dans leur intérêt réel ou supposé, et, en tout cas, de manière à arrêter le développement de nos forces productives. Mais lequel est le plus raisonnable, le plus avantageux à nos concitoyens, de laisser régler notre industrie privée par une législation étrangère, ou de la régler nous-mêmes conformément à nos intérêts ? L’agriculteur allemand ou américain se sent-il moins entravé, lorsqu’il est obligé chaque année d’étudier les actes du parlement britannique, pour savoir s’il doit étendre ou restreindre sa production de blé ou de laine, que lorsque la législation de son pays met les articles des manufactures étrangères moins à sa portée et lui assure en même temps pour tous ses produits un marché qui ne peut plus lui être ravi par les tarifs étrangers ?

Quand l’école prétend que les droits protecteurs procurent aux fabricants du pays un monopole aux dépens des consommateurs du pays[1], elle fait une mauvaise chicane ; car,

  1. L’école, pour parler le langage de l’auteur n’admet pas ou n’admet plus, quoiqu’on l’ait souvent soutenu en son nom, que la protection constitue un monopole absolu et permanent au profit des manufacturiers. Voici à ce sujet une note de Ricardo, au chapitre xxii de ses Principes de d’économie politique et de l’impôt.
      « M. Say pense que l’avantage des manufacturiers nationaux est plus que