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fautes des Anglais ; ils sont ruinés. Le peuple anglais voit le feu, entend le bruit de l’explosion, c’est dans d’autres pays que le désastre éclate ; et, lorsque les habitants de ces pays gémissent sur leurs blessures qui saignent, le commerce intermédiaire soutient que ce sont les conjonctures qui ont fait le mal. Quand on réfléchit combien de fois, par de telles conjonctures, l’ensemble de l’industrie manufacturière, le système de crédit, l’agriculture elle-même, en un mot toute l’économie des peuples qui admettent la libre concurrence de l’Angleterre, ont été ébranlés de fond en comble, quand on songe que plus tard ces mêmes peuples ont largement indemnisé les fabricants anglais en leur payant de plus hauts prix, n’est-il pas permis de douter que la théorie des valeurs et les maximes cosmopolites doivent servir de règle au commerce entre les nations ? L’école n’a pas jugé à propos d’expliquer les causes et les effets de ces crises commerciales.

Les grands hommes d’État des temps modernes, presque sans exception, ont compris la grande influence des manufactures et des fabriques sur la richesse, sur la civilisation et sur la puissance des nations, et la nécessité de les protéger : Édouard III comme Élisabeth, Frédéric le Grand comme Joseph II, Washington comme Napoléon. Sans plonger dans les profondeurs de la théorie, leur coup d’œil intelligent a compris l’industrie manufacturière dans son ensemble et l’a jugée sainement. Il était réservé aux physiocrates, égarés par de faux raisonnements, de l’envisager sous un autre aspect. L’édifice fantastique de cette école s’est évanoui ; l’école nouvelle elle-même l’a renversé, mais elle ne s’est point affranchie des erreurs fondamentales de sa devancière, elle n’a fait que s’en écarter un peu. N’ayant point fait la distinction entre la force productive et la valeur échangeable, et ayant subordonné la première à la seconde au lieu de l’étudier séparément, elle ne pouvait pas se rendre compte de la différence qui existe entre la force productive agricole et la force productive manufacturière. Elle ne voit pas que l’industrie manufacturière, en surgissant dans un pays agriculteur,