Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de poursuivre cette idée de la force productive énoncée dans son introduction, puis souvent reproduite, en passant il est vrai, dans le reste de son livre, et de donner à sa doctrine une forme plus parfaite. Le haut prix qu’il attachait à son idée de la division du travail l’a conduit à représenter le travail comme le fonds de toutes les richesses des nations, bien que lui-même ait vu clairement et qu’il déclare que la productivité du travail dépend du degré d’habileté et d’intelligence avec lequel le travail est employé. Nous le demandons, est-ce raisonner scientifiquement, que donner pour cause à un phénomène ce qui n’est que le résultat d’une multitude de causes plus profondes ?

Il est hors de doute que la richesse ne saurait être acquise autrement qu’à l’aide d’efforts de l’esprit et du corps ou du travail ; mais ce n’est pas là assigner une cause d’où l’on puisse tirer des déductions utiles ; car l’histoire apprend que des nations entières, malgré les efforts et l’économie des citoyens, sont tombées dans la pauvreté et dans la misère. Celui qui désire se rendre compte comment une nation s’est élevée de la pauvreté et de la barbarie à l’opulence et à la civilisation et comment une autre est tombée de la richesse et de la prospérité dans la pauvreté et dans la détresse, sur cette réponse, que le travail est la cause de la richesse et la paresse celle de la pauvreté (remarque que, du reste, le roi Salomon avait faite longtemps avant Adam Smith), ne manquera pas de faire cette nouvelle question : Quelle est donc la cause du travail et quelle est celle de la paresse ? On pourrait avec plus d’exactitude donner pour causes de la richesse les membres de l’homme, sa tête, ses mains et ses pieds ; du moins serait-on ainsi beaucoup plus près de la vérité ; il s’agirait alors de savoir ce qui fait que ces têtes, ces mains et ces pieds s’appliquent à la production et que leurs efforts sont fructueux. Qu’est-ce autre chose que l’esprit qui anime les individus, que l’ordre social qui féconde leur activité, que les forces naturelles dont l’usage est à leur disposition ? Plus l’homme comprend qu’il doit songer à l’avenir, plus ses idées et ses sentiments le por-