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qu’elle possédait jusqu’aux bords de la mer Pacifique, fussent mises en culture avant que la population, la civilisation et les forces militaires des États eussent atteint un développement convenable. Au contraire, les États de l’Est n’avaient d’avantages à retirer du défrichement de ces lointaines solitudes, qu’en s’adonnant à l’industrie manufacturière de manière à échanger leurs articles fabriqués contre les denrées de l’Ouest. On alla plus loin ; on se demanda si l’Angleterre ne se trouvait pas dans une situation tout à fait semblable ; si elle ne disposait pas, dans le Canada, dans l’Australie et dans d’autres régions, d’une vaste étendue de terrains fertiles et encore incultes ; si elle n’avait pas, pour transporter dans ces pays le trop-plein de sa population, à peu près les mêmes facilités que les États-Unis pour envoyer le leur des bords de l’océan Atlantique à ceux du Missouri ; pourquoi, néanmoins, l’Angleterre non-seulement continuait de protéger son industrie manufacturière, mais travaillait à la développer de plus en plus.

L’argument de l’école, que, là où les salaires étaient élevés dans le travail agricole, les fabriques ne pouvaient venir naturellement et n’étaient que des plantes de serre chaude, ne parut fondé qu’en partie, savoir à l’égard de ces articles qui, présentant peu de volume et de poids relativement à leur valeur, étaient produits principalement par le travail manuel, mais non en ce qui touche ceux dont le prix n’est que faiblement influencé par le taux du salaire et pour lesquels l’élévation de ce taux est compensée par l’emploi de machines ou de moteurs hydrauliques, par le bon marché des matières brutes et des denrées alimentaires, par l’abondance et le bas prix des combustibles et des matériaux de construction, enfin par la modicité des impôts et par l’énergie du travail.

L’expérience avait d’ailleurs enseigné depuis longtemps aux Américains que l’agriculture d’un pays ne peut parvenir à un haut degré de prospérité qu’autant que l’échange des produits fabriqués est garanti pour l’avenir ; que, si l’agriculteur demeure dans l’Amérique du Nord et le manufactu-