Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un grand obstacle aux progrès ultérieurs de la Russie dans l’industrie et dans le commerce, à moins que le gouvernement impérial ne réussisse, en établissant une bonne organisation municipale et provinciale, en restreignant peu à peu, puis en abolissant complètement le servage, en faisant surgir une classe moyenne instruite et des paysans libres, en améliorant les moyens de transport à l’intérieur, en facilitant enfin les communications avec l’Asie, à mettre la civilisation générale en rapport avec les besoins de l’industrie. Voilà les conquêtes que la Russie a à faire dans ce siècle ; elles sont la condition de ses progrès ultérieurs dans l’agriculture et dans l’industrie manufacturière, comme dans le commerce, la navigation marchande et la puissance navale. Mais pour que de pareilles réformes soient possibles, pour qu’elles s’accomplissent, il faut d’abord que la noblesse russe comprenne que ses intérêts matériels s’y rattachent étroitement[1].

  1. Les données de ce chapitre seront utilement complétées par le passage suivant d’un livre écrit en langue allemande par un homme qui a dirigé, durant une vingtaine d’années, les finances de la Russie, feu le comte Cancrin, livre publié en 1845 sous le titre d’Économie des sociétés humaines :
      « On a beaucoup déclamé contre ce qu’on appelle le système de clôture de la Russie ; qu’il me soit permis de dire ici quelques mots de l’état vrai des choses.
      « Bien avant Catherine II, qui, accomplissant la pensée de Pierre le Grand, a européanisé en tout la Russie, des droits protecteurs avaient été établis dans l’empire ; et, à l’époque du congrès de Vienne, il y existait un système complet de protection, en partie même de prohibition, ayant pour objet de mettre un frein au luxe et de retenir l’argent dans le pays.
      « Dans les traités de paix les diplomates insérèrent des articles sur la liberté du commerce, qui s’accommodaient peu à la situation de la Russie. De là le tarif libéral de 1819, sous l’action duquel la Russie fut inondée de marchandises étrangères, et un grand nombre de fabriques furent ruinées ou à la veille de l’être. On reconnut que, malgré l’accroissement des recettes de la douane, ce régime ne pouvait pas durer ; l’industrie fit éclater ses plaintes, et en 1821 fut promulgué un nouveau tarif plus sévère et renfermant des prohibitions.
      « L’auteur trouva ce tarif en vigueur, lorsqu’en 1823 il fut nommé ministre des finances. Il l’a successivement corrigé et complété, il a aboli des prohibitions, il a abaissé des droits, il en a élevé d’autres dans l’intérêt du revenu ou de la protection, il a modifié les règlements de douane en quelques