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qu’on l’a dit, la vérité doit être préférée, même à Platon. Ceux qui ont répudié les erreurs de Platon, ne lui ont rien ôté de sa gloire. De même on peut, avec Robert Peel, considérer Adam Smith comme le Newton de l’économie politique ; on peut s’incliner avec respect devant les savants habiles qui sont venus après lui, et ne pas admettre néanmoins que, dans une question donnée, la science ait dit, par leur bouche, son dernier mot. Un économiste éminent de l’autre côté du détroit écrivait naguère que la Richesse des nations est défectueuse dans beaucoup de ses parties, et que dans toutes elle est incomplète[1].

Peut-être, du reste, est-il dans l’intérêt de la science elle--

  1. Je veux parler de M. J. Stuart Mill, auteur d’un traité d’économie politique, qui est un excellent résumé des progrès que la science a accomplis en Angleterre depuis Adam Smith, et où en particulier diverses questions qui se rattachent au commerce international sont habilement traitées. Une citation de cet ouvrage relative à la protection douanière trouvera ici naturellement sa place. Après avoir condamné la protection en tant que moyen de retenir le numéraire ou de procurer du travail aux nationaux, et indiqué dans quelle mesure la défense et l’indépendance du pays l’admettent, M. Stuart Mill ajoute ces lignes, d’autant plus dignes de remarque qu’elles ont été écrites au milieu des succès du Free trade.
      « Les droits protecteurs ne sauraient se justifier par de pures considérations d’économie politique que dans un seul cas, celui où on les établit à titre temporaire, particulièrement chez une nation jeune et grandissante, dans l’espérance d’y acclimater une industrie étrangère appropriée au pays. La supériorité d’un pays sur un autre dans une branche de travail tient souvent à ce qu’il s’y est adonné plus tôt ; il peut ne posséder aucun avantage qui lui soit propre, mais seulement de l’habileté acquise et de l’expérience. Un pays qui a cette habileté et cette expérience à acquérir peut, sous d’autres rapports, offrir de meilleures conditions pour une industrie que ceux qui l’ont devancé dans l’arène. Or, on ne doit pas espérer que des individus, à leurs risques et périls, ou plutôt à leur préjudice certain, introduisent une fabrication nouvelle, et supportent la charge de son entretien jusqu’à ce que les producteurs nationaux aient achevé leur éducation et atteint des rivaux f exercés de longue main. Afin de faire face aux frais d’une telle expérience, un droit protecteur, continué pendant un temps raisonnable, est quelquefois pour une nation le mode de s’imposer qui présente le moins d’inconvénients. Mais la protection doit être restreinte aux cas où l’on a de bonnes raisons de croire que l’industrie soutenue sera, au bout d’un certain délai, capable de s’en passer ; et l’on ne doit pas laisser espérer aux producteurs nationaux qu’elle leur sera continuée au delà du temps strictement nécessaire pour l’épreuve de leurs forces. »