Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grand nombre de ces fugitifs se dirigèrent vers la Prusse, fécondèrent l’agriculture de ce pays, y introduisirent une multitude d’industries et y cultivèrent les sciences et les arts. Ses successeurs suivirent tous ses traces ; mais nul ne le fit avec plus de zèle que le grand roi, plus grand par sa sagesse dans la paix que par ses succès dans la guerre. Ce n’est pas le lieu d’entrer dans des détails sur les mesures sans nombre par lesquelles Frédéric II attira en Prusse une multitude de cultivateurs étrangers, défricha des terrains incultes, encouragea la culture des prairies, des fourrages, des légumes, des pommes de terre et du tabac, l’élève perfectionnée du mouton, du bœuf et du cheval, les engrais minéraux, etc., et procura aux agriculteurs des capitaux et du crédit. S’il fut utile à l’agriculture par ces moyens directs, il lui fit indirectement plus de bien encore à l’aide des manufactures, auxquelles un système douanier qu’il perfectionna, les voies de transport qu’il entreprit, et la banque qu’il institua imprimèrent en Prusse un plus grand essor que dans tout le reste de l’Allemagne ; cependant la situation géographique du pays et son morcellement en diverses provinces séparées les unes des autres, étaient loin de seconder ces mesures, et les inconvénients des douanes, c’est-à-dire les pernicieux effets de la contrebande, devaient y être beaucoup plus sensibles que dans de grands États bien arrondis et bornés par des mers, par des fleuves ou par des chaînes de montagnes.

Nous n’entendons pas, par cet éloge, justifier les fautes du système, par exemple les restrictions à la sortie des matières premières ; mais la puissante impulsion que le système a donnée, malgré ces fautes, à l’industrie prussienne, ne sera mise en doute par aucun historien éclairé et impartial. Pour tout esprit libre de préjugés et que de fausses théories n’auront point obscurci, il doit être évident que c’est moins par ses conquêtes que par ses sages mesures pour l’encouragement de l’agriculture, des fabriques et du commerce, et par ses progrès dans la littérature et dans les sciences, que la Prusse a été mise à même de prendre rang parmi les puis-