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cants à les adopter, il faut se rappeler que ces procédés étaient après tout les meilleurs et les plus avantageux de son temps, et qu’il avait affaire à un peuple qui, plongé dans l’apathie par un long despotisme, repoussait toute nouveauté, fût-elle une amélioration. Mais le reproche d’avoir, par le système protecteur, détruit une grande partie de l’industrie française, ne pouvait être adressé à Colbert que par une école qui ignorait entièrement la révocation de l’édit de Nantes et ses funestes conséquences. Par cette déplorable mesure, la France perdit, après la mort de Colbert, dans l’espace de trois ans, un demi-million de ses habitants les plus industrieux, les plus adroits, les plus riches, lesquels, au double préjudice du pays qu’ils avaient enrichi, transportèrent leur industrie et leurs capitaux en Suisse, dans toute l’Allemagne protestante, et particulièrement en Prusse, de plus en Hollande et en Angleterre. Ainsi les intrigues d’une maîtresse bigote ruinèrent en trois ans le brillant ouvrage de toute une génération et firent retomber la France dans son ancienne apathie ; tandis que l’Angleterre, soutenue par sa constitution et animée de toute l’énergie que sa révolution lui avait imprimée, poursuivait sans relâche et avec une ardeur croissante l’œuvre d’Élisabeth et des ses prédécesseurs.

Le triste état auquel l’industrie et les finances de la France avaient été réduites par l’incapacité prolongée de son gouvernement, et le spectacle de la grande prospérité de l’Angleterre excitèrent, peu avant la révolution française, l’émulation des hommes d’État de la France. Imbus des théories creuses des économistes, au rebours de Colbert, ils cherchèrent un remède dans l’établissement de la liberté commerciale. On crut restaurer d’un trait de plume la prospérité du royaume, en procurant aux vins et aux eaux-de-vie de France un marché plus étendu en Angleterre, en admettant les produits fabriqués de l’Angleterre à des conditions favorables, soit au droit de 12 pour 100. Ravie de la proposition, l’Angleterre accorda volontiers à la France une seconde édition du traité de Méthuen dans le traité d’Eden, copie qui produisit bientôt