Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont acquis de la force, une force immense ; c’est tout le contraire qui est échu aux autres peuples.

Comment, malgré l’évidence de ces résultats, Adam Smith a-t-il pu juger l’acte de navigation tout de travers comme il l’a fait ? On se l’explique de la même manière que les jugements erronés de cet écrivain célèbre sur les restrictions en général, ainsi que nous le ferons voir dans un autre chapitre. Ces faits contrariaient son idée favorite, celle de la liberté illimitée du commerce ; il dut en conséquence chercher à écarter les objections que les résultats de l’acte de navigation pouvaient fournir contre son principe, en distinguant le but politique du but économique, et en soutenant que, politiquement parlant, l’acte de navigation était nécessaire et utile, mais que, sous le rapport économique, il avait été préjudiciable et nuisible. Il ressort de notre exposé que la nature des choses et l’expérience ne justifient pas cette distinction. Sans être éclairé, comme il eût dû l’être, par l’expérience de l’Amérique du Nord, J. B. Say, en cette matière comme dans tous les cas où le principe libéral et le principe restrictif sont en présence, va plus loin encore que son prédécesseur. Il calcule ce que coûte en France un matelot par suite des primes de pêche, afin de prouver l’absurdité des primes. En général, la question des restrictions à la navigation étrangère est une grande pierre d’achoppement pour les champions de la liberté illimitée du commerce ; ils la passent volontiers sous silence, surtout s’ils appartiennent au commerce des villes maritimes.

La vérité, c’est, qu’il en est de la marine marchande comme du commerce. La libre navigation et le libre commerce des étrangers conviennent aux peuples qui débutent, tant qu’ils n’ont pas encore suffisamment avancé leur agriculture et leur industrie manufacturière. Faute de capitaux et de marins expérimentés, ces peuples abandonnent volontiers aux étrangers les transports maritimes et le négoce extérieur. Plus tard, quand ils ont développé, dans une certaine mesure, leurs forces productives, et qu’ils se sont peu à peu instruits dans la con-