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Jusque-là tout allait bien. Mais l’Orient n’avait guère à vendre que des étoffes de coton et de soie, ce qui ne s’ajustait pas avec la règle précitée des ministres anglais, de n’importer que des matières brutes et de n’exporter que des produits fabriqués. Que firent-ils donc ? Se contentèrent-ils des profits que leur promettait d’une part le commerce des draps avec le Portugal, de l’autre le commerce des tissus de soie et de coton avec les Indes orientales ? Nullement. Les ministres anglais avaient la vue plus longue. S’ils avaient permis en Angleterre la libre importation des tissus de coton et de soie de l’Inde, les fabriques anglaises de tissus de coton et de soie se seraient immédiatement arrêtées. L’Inde avait pour elle non-seulement le bas prix de la matière première et de la main-d’œuvre, mais encore une longue pratique, une dextérité traditionnelle. Sous le régime de la concurrence, l’avantage lui était assuré ; mais l’Angleterre ne voulait pas fonder des établissements en Asie, pour tomber sous leur joug manufacturier. Elle aspirait à la domination commerciale, et elle comprenait que, de deux pays qui trafiquent librement l’un avec l’autre, celui qui vend des produits fabriqués domine, tandis que celui qui ne peut offrir que des produits agricoles obéit[1]. Déjà, à l’égard de ses colonies de l’Amérique du Nord, l’Angleterre avait pris pour maxime de ne pas y laisser fabriquer une tête de clou, encore moins de laisser entrer chez elle une tête de clou qui aurait été fabriquée dans ces colonies. Comment eût-elle pu livrer à un peuple aussi heureusement doué pour une industrie séculaire, à un peuple aussi nombreux et aussi frugal que les Indous, sa consommation intérieure, le fondement de sa grandeur à venir ?

  1. La nation qui exporte des produits fabriqués est généralement plus avancée en civilisation que celle qui ne vend que des produits bruts, et ce genre d’envois trouve un marché plus étendu ; mais on ne voit pas comment elle lui commanderait par cela même. List se contredit plus loin, du reste, lorsque, à propos de démêlés entre l’Angleterre et les États-Unis, il montre la première de ces puissances placée dans la dépendance de la seconde, qui lui fournit à peu près exclusivement le coton qu’elle file et qu’elle tisse. La domination est attachée au monopole, qu’il s’exerce sur des produits fabriqués ou sur des produits bruts. (H. R.)