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est, à nos yeux, un des plus grands mensonges du siècle. Si les Anglais avaient abandonné les choses à elles-mêmes, s’ils avaient laissé faire, comme le demande l’école régnante, les marchands du Stahlhof exerceraient encore aujourd’hui leur négoce à Londres, et les Belges fabriqueraient encore des draps pour les Anglais ; l’Angleterre serait toujours le pâturage à moutons de la Hanse, comme le Portugal, grâce au stratagème d’un diplomate délié, est devenu et est resté jusqu’ici le vignoble de l’Angleterre. Que dis-je ! Il est plus que vraisemblable que, sans politique commerciale, l’Angleterre ne jouirait pas du même degré de liberté civile qu’elle possède aujourd’hui ; car cette liberté est fille de l’industrie et de la richesse.

Après ces considérations historiques, on a lieu de s’étonner qu’Adam Smith n’ait pas essayé de retracer depuis l’origine la lutte industrielle et commerciale entre la Hanse et l’Angleterre. Quelques passages de son livre montrent pourtant que les causes du déclin de la Hanse et ses conséquences ne lui étaient pas inconnues.

« Un marchand, dit-il, n’est nécessairement citoyen d’aucun pays en particulier. Il lui est, en grande partie, indifférent en quel lieu il fait son commerce, et il ne faut que le plus léger dégoût pour qu’il se décide à emporter son capital d’un pays dans un autre, et avec lui toute l’industrie que ce capital mettait en activité. On ne peut pas dire qu’aucune partie en appartienne à un pays en particulier, jusqu’à ce que ce capital y ait été répandu pour ainsi dire sur la surface de la terre en bâtiments ou en améliorations durables. De toutes ces immenses richesses qu’on dit avoir été possédées par la plupart des Villes Anséatiques, il ne reste plus maintenant de vestiges, si ce n’est dans les chroniques obscures des treizième et quatorzième siècles. On ne sait même que très-imparfaitement où quelques-unes d’entre elles furent situées, ou à quelles villes de l’Europe appartiennent les noms latins qui sont données à certaines villes[1]. »

  1. Adam Smith, Richesse des nations, liv. III chap. ii.