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un peu de repos ; dis-lui bien que ce n’est pas par lâcheté que je me trouve ici. » L’aîné le regarda d’une manière que je ne puis décrire, prit sa main, la serra avec angoisse et sortit en disant : « Oui, viens tantôt. » J’entendis ses éperons résonner sur les dalles, et le son ne s’éteignait pas encore que son pauvre frère expirait. Une troupe composée de tels gardes aurait pu faire des miracles si elle avait été bien commandée. »

Le premier acte des Versaillais, dès la prise de Montmartre, fut d’établir au sommet de la butte, au n°6 de la rue des Rosiers, une prévôté présidée par un capitaine de chasseurs. Certains habitants du quartier rivalisant de zèle pour dénoncer les Communalistes, les arrestations furent nombreuses. Les prisonniers étaient interroges sommairement. Puis on les conduisait dans le jardin. On les contraignait à se mettre à genoux, tête nue, en silence, devant le mur au pied duquel les généraux Lecomte et Clément Thomas avaient été exécutés le 18 mars. Ils restaient ainsi, en face de ce mur dont l’aspect les préparait à la mort, jusqu’à ce que d’autres vinssent les remplacer. Puis on les emmenait à deux pas de là, sur le versant de la butte dominant la route de Saint-Denis, et on les fusillait.