Page:Lissagaray - Les huit journees de mai, Petit Journal Bruxelles, 1871.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

concert qui avait une sorte de terrible fascination.

Les femmes exhortent, supplient les hommes. Ce n’est plus la citoyenne de l’ancienne barricade qui servait les munitions et pansait les blessés ; elle la construit maintenant de ses bras et de ses ongles, puis elle la défendra. Dans cette nuit, place Blanche, une barricade est élevée. A minuit, devant nous, une forme noire se détache de l’enfoncement d’une porte-cochère : c’est une jeune fille, le chassepot à la main, la cartouchière aux reins. « Halte-là, citoyens, on ne passe pas. » Nous nous arrêtons étonnés ; nous exhibons notre laissez-passer et la citoyenne nous permet de traverser la barricade, construite et gardée par 120 femmes environ.

Et ce n’étaient plus les redoutes traditionnelles, hautes de deux étages. Sauf quatre ou cinq, rue Saint-Honoré et rue de Rivoli, la barricade de Mai se fit d’un méchant tas de pavés, à peine à hauteur d’homme. Derrière, quelquefois un canon ou une mitrailleuse. Au milieu, calé entre deux pavés, le drapeau rouge, couleur de vengeance. A vingt, derrière ces loques de remparts, ils arrêtèrent des régiments.

Si la moindre pensée d’ensemble avait dirigé