Page:Lissagaray - Les huit journees de mai, Petit Journal Bruxelles, 1871.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la lumière cessait brusquement ; on voyait là comme un énorme trou noir. Cette obscurité était gardée par des sentinelles fédérées, jetant par intervalle leur cri : Passez au large !

Partout un silence plein de menaces. Ces ombres se mouvant dans la nuit prenaient des formes gigantesques ; il semblait qu’on marchât dans un rêve terrible ; les plus braves sentaient l’effroi.

Il y eut des nuits plus bruyantes, plus sillonnées d’éclairs, plus grandioses, quand l’incendie et la canonnade enveloppèrent Paris ; nulle ne produisit sur notre âme une impression aussi lugubre — nuit de recueillement, veillée des armes. On se cherchait dans les ténèbres, on se parlait bas, on prenait espoir, on en donnait. Aux carrefours on s’arrêtait, on étudiait les positions, puis à l’œuvre ! — En avant la pioche et le pavé. Que la terre s’amoncelle où s’engloutira le boulet, que les matelas précipités des maisons servent à couvrir les poitrines ! — On ne doit plus dormir désormais. Que les pierres cimentées de haine se pressent les unes contre les autres, comme des poitrines d’hommes sur le champ de bataille. Le pétillement de la mousqueterie lointaine, le grondement du canon, le chant des gamins formaient en même temps un