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de la mairie du VIIIme arrondissement, au 18 mars, redoutant une justice par trop sommaire et les fureurs des premiers moments, il avait cherché et trouvé un asile chez des amis, et cela depuis le lundi, matin jusqu’au samedi soir. Invité à nommer les personnes qui l’avaient reçu, il s’y refusa d’abord, pour ne point les compromettre ; mais, sur l’assurance qui lui fut donnée qu’en les nommant il ne leur ferait courir aucun danger, une personne qui l’assistait, celle qu’il épousa deux heures après, donna aux juges ce document, qu’il a dépendu d’eux de vérifier.

La cour apprit donc que T. Moilin avait trouvé un asile chez un ami intime, son compatriote, médecin comme lui, mais d’une opinion politique différente, conservateur et membre du conseil général de son département ; qu’accueilli d’abord par cet ami à bras ouverts, même avec de vifs remercîments pour la confiance et la préférence qu’on lui accordait, ce dévouement, quelques jours après, avait fait place à la peur ; que le samedi soir, 27 mai cet ami avait prié son hôte de quitter sa retraite et de chercher ailleurs que chez lui un refuge, ce que T. Moilin ne s’était point fait dire deux fois ; qu’au sortir de cette maison peu hospitalière, découragé, ne cherchant plus à disputer sa liberté, ni même sa vie, il était rentré chez lui, rue de Seine, où, sur la dénonciation de son portier et de ses voisins, il avait été presque aussitôt arrêté et conduit au Luxembourg devant la cour martiale.

À ce récit se borna la défense de T. Moilin, qui fut immédiatement condamné à mort. La cour voulut bien lui dire que le fait de la mairie, le seul qu’on lui pût reprocher, avait en lui-même peu de gravité, et ne méritait point la mort, mais qu’il était un des chefs du parti socialiste, dangereux par ses talents, son caractère et son influence sur les masses, un de ces hommes, enfin, dont an gouvernement prudent et sage doit se débarrasser, lorsqu’il en trouve l’occa-