Page:Lissagaray - Les huit journees de mai, Petit Journal Bruxelles, 1871.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naient à peine, se cramponnant au bras de leurs voisins plus vigoureux. Quand l’un d’eux venait à tomber, on le plaçait sur une des charrettes qui suivaient le convoi, à moins cependant qu’il ne fût lié à d’autres prisonniers, et ceux qui le soutenaient étaient dans ce cas forcés de le traîner râlant jusqu’à destination. Les cantinières avaient leur costume. Les autres femmes, hâlées par le soleil, couvertes de caracos d’été, marchaient les unes d’un pas délibéré, les autres accablées et s’appuyant sur le bras de leur mari. Le Figaro décrivait ainsi la queue d’un convoi :

« Le hideux troupeau est suivi de charrettes. La première attire surtout l’attention de la foule.

» Presque couché sur la première banquette enfoui dans la paille jusqu’aux genoux, mais redressant le torse et la tête, on distingue un homme jeune encore, brun, et rappelant par son attitude le personnage principal des Moissonneurs, de Léopold Robert. Son visage annonce une rare énergie, il regarde la foule avec mépris, lui crie : Lâche ! lâche ! en lui lançant un crachat au détour de l’avenue.

» A ses pieds est couché un homme qui agonise : sa main soubresaute fébrilement, ses