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Ici nous ne sommes plus témoin, et nous ne pouvions plus l’être. Mais ce sont les Versaillais, les vainqueurs, qui vont eux-mêmes déposer. Leur haine a pu défigurer les prisonniers, elle n’enlève rien à leur sincérité quand ils parlent des cruautés que ces malheureux subirent. On ne peut admettre qu’ils aient voulu se calomnier eux-mêmes. L’histoire se fera sur leurs témoignages, et nous nous contentons d’assembler leurs récits.

Des razzias énormes avaient été opérées par l’armée, au fur et à mesure de l’occupation des quartiers. Quand les fusillades avaient lieu en masse, qu’on juge des arrestations. Parfois on emmenait en bloc tous les locataires d’une maison, parfois on cernait une rue entière, et l’on retenait tous les passants. Des armes cachées, des revolvers qu’on n’avait pas encore rapportés, une suspicion plus ou moins motivée, une parole malencontreusement prononcée, une attitude mal interprétée, suffisaient pour qu’on fût chassé à coups de crosse devant les soldats. Des visites domiciliaires avaient lieu au milieu de la nuit, et la troupe, qui suivant sa consigne doit dans tous les cas rapporter poil ou plume, emmenait indifféremment et sans même les interroger femmes, jeunes gens, vieillards. Plus de 40,000