Page:Lissagaray - Les huit journees de mai, Petit Journal Bruxelles, 1871.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suivait un convoi de prisonniers. J’ai vu de près ces prisonniers. Je les ai comptés, ils étaient au nombre de vingt-huit. J’ai retrouvé en eux les mêmes hommes que j’avais vus dans les bataillons du siége de Paris. Presque tous m’ont paru être des ouvriers.

» Leurs visages ne trahissaient ni désespoir, ni abattement, ni émotion. Ils marchaient devant eux d’un pas ferme, résolu, et ils m’ont paru si indifférents à leur sort que j’ai pensé qu’ils avaient été pris dans une razzia, et qu’ils s’attendaient à être relâchés. Je me trompais du tout au tout. Ces hommes avaient été pris le matin à Ménilmontant, et ils savaient où on les conduisait. Arrivés à la caserne Lobau, les cavaliers qui précédaient l’escorte font faire le demi-cercle et empêchent les curieux d’avancer.

» Les portes de la caserne s’ouvrent toutes grandes pour laisser passer les prisonniers et se referment aussitôt.

» Une minute n’était pas écoulée et je n’avais pas fait quatre pas, qu’un feu de peloton terrible retentit à mes oreilles. On fusillait les vingt-huit insurgés. Surpris par cette horrible détonation, je ressentis une commotion qui me donna le vertige. Mais ce qui augmenta mon horreur, ce fut après le feu de peloton le reten-