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menaient à côté. Du Châtelet, par exemple, ils étaient conduits à la caserne Lobau. Là, à peine entrés dans la cour et les portes refermées, on les tirait sans même prendre le temps de les aligner devant un peloton d’exécution. Quelques-uns de ces malheureux s’échappaient, couraient le long des murs comme des fauves tournant autour de leur cage ; les soldats leur faisaient la chasse et les canardaient des croisées au risque de se blesser entre eux.

La contenance des fédérés était partout admirable. Nul ne demandait grâce. Beaucoup croisaient leurs bras, commandaient le feu, bien que les soldats tirassent sans commandement, dès qu’on se trouvait au bout de leurs fusils. A une barricade du faubourg du Temple, un enfant de dix ans se signala parmi les plus acharnés défenseurs. La barricade prise, tous les survivants furent fusillés. Quand vint le tour de l’enfant, il demanda à l’officier trois minutes de répit. Sa mère demeurait en face. Il voulait lui porter sa montre d’argent « afin qu’au moins elle ne perdît pas tout. » L’officier, involontairement ému, pensant bien ne plus le revoir, le laissa partir. —— On le vit reparaître deux minutes après. Il traversa en courant la rue, criant : Me voilà ! sauta sur le trottoir et