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l’ordre en 1871 n’y mirent pas tant defaçon procédèrent en vrais bouchers à leur féroce besogne. Il n’y eut ni registre ni procès-verbal. Les accusés défilaient par rang devant la cour, assemblage de quatre ou cinq officiers échauffés et sales, les mains crispées, les coudes sur la table, quelquefois le cigare aux dents. On commençait par le premier de la file ; l’interrogatoire durait en moyenne un quart de minute. « Avez-vous pris les armes ? — Avez-vous servi la Commune ? — Montrez vos mains. » A la moindre hésitation, ou si l’allure de l’accusé trahissait un combattant, ou si sa figure répugnait aux honorables magistrats, ou même s’il se défendait avec trop d’énergie, sans autre explication, sans lui demander ni son âge, ni sa profession, ni même son nom, on le déclarait classé. « Vous ? » disait-on au voisin ; et ainsi de suite jusqu’au bout de la file, sans laisser, quelquefois aux malheureux le temps de répondre. Quand, par impossible, l’innocence d’un prisonnier apparaissait éclatante ou qu’on eût bien voulu le laisser parler, il était déclaré ordinaire, c’est-à-dire envoyé à Versailles. — Personne n’était libéré.

On livrait les classés aux soldats qui les em-