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On courut pour le relever, mais trois hommes sur quatre tombèrent raide morts. Comme il fallait avant tout maintenir la barricade, on dut s’occuper de rallier les fédérés sous cette averse. Le membre de la Commune Johannard, presqu’au milieu de la chaussée, élevant son fusil et pleurant de rage, criait dans sa douleur : «Non, non, vous n’êtes pas dignes de défendre la Commune ! » Jourde s’emporta violemment contre un officier très-galonné qui déclarait la position intenable et le disait tout haut à ses hommes. Il était presque nuit ; nous revîmnes navrés, laissant, abandonné aux outrages d’un adversaire sans respect de la mort, le corps de notre pauvre ami.

Il n’avait prévenu personne, même ses plus intimes. Silencieux, n’ayant pour confident que sa conscience sévère, Delescluze marcha vers la barricade comme les derniers montagnards allêrent à l’échafaud. La longue journée de sa vie avait épuisé ses forces ; il ne lui restait plus qu’un souffle, il le donna[1]. Les Versaillais ont dérobé

  1. L’année dernière, au mois d’août, à Bruxelles, où l’exil nous avait réunis, il prononça un jour ces paroles prophétiques : « Oui, je crois la République prochains, mais elle tombera entre les mains de la