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et dix-neuf fédérés furent cernés. Sommés plusieurs fois de se rendre, ils répondirent par le cri de : Vive la Commune ! On les prit, on les colla contre le mur de la prison et, devant les fusils, on vit ces hommes, levant leurs bras droits dans un saint enthousiasme, tomber en même temps au cri de : Vive la Commune ! L’un d’eux serrait contre lui le drapeau rouge de la barricade et il mourut enveloppé dans ses plis. Devant tant d’héroïsme, l’officier versaillais sentit quelque chose d’humain vibrer en lui. Il se tourna vers les assistants, accourus des maisons voisines, et à plusieurs reprises il dit, comme se justifiant : « Ils l’ont voulu ! ils l’ont voulu ! — Pourquoi ne se rendaient-ils pas !» Comme si les prisonniers n’étaient pas régulièrement massacrés sans merci.

La place du Château-d’Eau, de laquelle on rayonne sur sept larges avenues et que l’occupation de la caserne des Magasins-Réunis et de quelques maisons d’angle rend imprenable, n’avait pas été suffisamment fortifiée, faute de direction supérieure. Cependant la lutte y prit des proportions formidables. Les énormes pièces de fer de la fontaine furent tordues ou renversées ; les maisons s’entr’ouvrirent ; des blocs de pierre volèrent en éclat ; les arbres furent ha-