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mal vêtue ou aux effets en désordre était dite pétroleuse ; c’était un arrêt de mort. Dans cette journée du mercredi, un témoin entendit, au coin de la rue de Rivoli et de la rue Castiglione, les cris d’une foule considérable. Des gendarmes, escortaient une femme traînée par deux artilleurs ; on l’accusait d’avoir jeté une fiole remplie de pétrole dans le ministère des finances qui brûlait depuis trois jours ! Elle avait le visage en sang, les vêtements arrachés, et ressemblait à un tas de haillons sur lequel on frappait à bras raccourcis. On la traîna jusqu’au coin du Louvre où on la jeta contre un mur. La foule, rangée en demi-cercle, vociférait : A mort ! à mort ! Les gendarmes tirèrent deux coups de revolver et firent rouler ce paquet humain dans une mare de sang.

A chaque instant l’annonce de quelque exécution nouvelle parvenait à la mairie du XIe arrondissement. Là, comme la veille à l’Hôtel de ville, l’encombrement était énorme : quelques chefs de service avaient conservé toute leur présence d’esprit au milieu de la débâcle, mais un grand nombre, soit qu’ils eussent été coupés par les Versaillais, soit qu’ils fussent en fuite, avaient disparu. Sur les escaliers, des femmes cousaient des sacs. Les cours regorgeaient de