Page:Lissagaray - La Vision de Versailles.djvu/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.

séance d’aujourd’hui décidera du vainqueur. Aussi, la foule comble les moindres vides. Au premier rang des loges, les princesses, les ambassadrices, les riches bourgeoises et les courtisanes cotées étalent leurs toilettes tapageuses, leurs gorges rondes et leurs visages distraits. — Que valent ces émotions parlementaires pour qui a flairé les cadavres des journées de Mai, touché du doigt les morts étendus dans les ruelles et soulevé leur dernier vêtement !

C’est une sombre journée de décembre voilée de brouillards et de tristesses qui pénètrent les os. Dans le fond de la salle, au sommet de l’autel, dominant la tribune, entre deux lampes vermeilles, le président Grévy trône immobile et majestueux comme l’ostensoir de la République. À ses pieds Batbie lit le rapport. Tantôt sa voix parvient distincte jusqu’aux coins les plus reculés, tantôt elle est brisée par les applaudissements frénétiques ou les hurlements furibonds.

Le renégat républicain demande le combat contre tout ce qui est république. Il glorifie la commission des grâces. Il déclare nettement qu’il n’y a plus en France qu’un souverain — l’Assemblée, qu’un gouvernement — la droite, qu’une politique — la proscription.

Thiers n’est plus assez sûr pour gouverner leurs haines. Ils craignent que ce vieillard ne mollisse. Ils veulent le doubler de férocités plus jeunes, adjoindre