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la chute de l’empire, ne l’avez-vous point célébré par sept millions de suffrages ? Depuis quatre-vingts ans, qui a pu gouverner une heure contre vous ?

« Non, non, n’espérez fuir aucune responsabilité. Vous seuls, les seuls gouvernants de la France, vous avez conduit la France aux abîmes. Répondez à ceux qui l’ont sauvée.

« Nous accomplîmes l’œuvre de notre époque. Un seul tyran se dressait devant nous : l’État. Contre lui nous armâmes chaque citoyen de droits civils et politiques. Il n’y avait qu’un agent de production, la terre ; nous la donnâmes au peuple. L’abolition de la main-morte empêcha la reconstitution de la féodalité terrienne ; et quant aux grandes exploitations naturellement indivisibles, comme les mines, nous en réservâmes la propriété à la nation. Ayant ainsi garanti le peuple contre les seules tyrannies qu’il fût possible. de prévoir en ce moment, nous pûmes porter sur l’échafaud une tête Haute et une conscience satisfaite.

« Mais depuis, un monde nouveau est venu : l’industrie aux outillages énormes, aux vastes capitaux, servie par une nuée de travailleurs. À la place de l’artisan, un serf d’un genre nouveau est né, esclave de la machine, du monopole, de la concurrence féroce. Comme nous avions fait de l’autre, l’avez-vous affranchi des fatalités de son milieu ?