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Un applaudissement immense jaillit des loges des cintres, et retombe comme une pluie brûlante sur le parterre glacé. Des centaines d’hommes, de femmes, de vieillards et d’enfants ont envahi les loges déjà pleines, surchargent les galeries, se suspendent en grappes aux colonnes. Leurs poitrines défoncées, leurs vêtements en miettes froissent brutalement les soies et les dentelles. Ce sont les Fusillés des journées de Mai. La pétroleuse assise au premier rang coudoie sur le velours la Versaillaise qui se contracte en vain pour fuir l’horrible attouchement. Un nuage d’odeur fade s’exhale de ces guenilles nauséabondes. Écrasés sous cette voûte de spectres, les députés retombent sur leurs siéges. Le silence se fait et l’on entend la voix d’un autre fusillé :

« Vous m’avez tué pour avoir passé de l’armée à l’émeute, pour rappeler au soldat qu’il ne doit point avoir de conscience et qu’il appartient à ses chefs. Qu’il vous souvienne de Bourgeois le jour où la botte d’un soldat vous soulèvera de vos bancs. »

VOIX DES FUSILLÉS DANS LES TRIBUNES : — « Quand vous viendrez, comme en Décembre, faire appel à ce peuple mitraillé par vous comme en Juin, qu’il vous réponde : Souvenez-vous des fusillés de Mai ! »

ROSSEL : — « Avez-vous refait une armée, rétabli notre vigueur, préparé notre défense, et, quand la