Page:Lissagaray - Jacques Bonhomme, Armand Le Chevalier, 1870.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vahis, vaincus, opprimés par les Romains, plus tard ravinés par des invasions sans nombre dont l’une, celle des Francs venus d’Allemagne, changea jusqu’au nom de leur patrie. Il y a plus de dix-huit cents ans, et les fils des Gaulois obéissent encore aux traditions de la conquête. De citoyens libres, ils devinrent des administrés, et, quand la force des conquérants put être la seule loi, de véritables bêtes de labour.


Tu nais alors Jacques Bonhomme. Dis adieu désormais au travail joyeux et libre. Revêts la casaque infâme du serf. Commence la corvée odieuse, ingrate, perpétuelle. Nourris les besoins et les plaisirs du maître, attaché à la glèbe, battu, insulté, plus misérable que l’esclave de naissance, puisqu’il te reste le souvenir. Tantôt, courbé en deux sous le poids de la pierre énorme, gravis la colline pour construire le repaire du seigneur, tantôt déchire tes mains aux broussailles pour défricher à son profit les terres épineuses. D’homme, tu es devenu chose, et la chose appartient au maître ; ta sueur et ton foyer, jusqu’à ta couche, tout est à lui ; il jouit