Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/93

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les préfets, chargés d’organiser les mobiles et les mobilisés, de faire lever les campagnes, étaient en lutte perpétuelle avec les généraux et se perdaient dans l’équipement. Les pauvres généraux de l’ancienne armée, ne sachant rien tirer de ces contingents sans éducation militaire, n’agissaient, a dit Gambetta, « que lorsqu’il n’y avait pas moyen de faire autrement. »

La faiblesse de la Délégation encourageait leur malveillance. Gambetta demandait à des généraux s’ils accepteraient de servir sous Garibaldi, admettait qu’ils refusassent, faisait relâcher un curé qui, du haut de sa chaire, mettait à prix la tête du général ; aux officiers de Charette il condescendait à fournir des explications et il permettait aux zouaves pontificaux d’arborer un autre drapeau que celui de la France. À Bourbaki, entièrement fourbu, et qui venait de porter à l’impératrice une lettre de Bazaine, il confiait l’armée de l’Est.

Manquait-il d’autorité ? Ses collègues de la Délégation n’osaient même pas lever les yeux, les préfets ne connaissaient que lui, les généraux prenaient des airs d’écoliers en sa présence. Le pays obéissait, fournissait à tout avec une passivité aveugle. Les contingents se levaient sans difficulté. Les campagnes n’avaient pas de réfractaires bien que toute la gendarmerie fût à l’armée. Les Ligues les plus ardentes avaient cédé à la première observation. Il n’y eut de mouvement qu’au 31 octobre. Les révolutionnaires marseillais, indignés de la mollesse du conseil municipal, proclamèrent la Commune. Cluseret qui, de Genève, avait redemandé au « prussien » Gambetta le commandement d’un corps d’armée, apparut à Marseille, se fit nommer général, disparut de nouveau et rentra en Suisse, sa dignité lui défendant de servir comme simple soldat. À Toulouse, la population chassa le général, un sanguinaire de Juin 48. À Saint-Étienne, on eut une heure la Commune. Partout il suffit d’une parole pour remettre l’autorité aux mains de la Délégation, tant on redoutait partout de lui créer la moindre difficulté.

Cette abnégation ne servit que les réactionnaires. Les jésuites purent nouer leurs intrigues, abrités derrière Gambetta qui les avait réintégrés à Marseille d’où l’in-