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cret de l’Hôtel-de-Ville. Elles s’annonçaient républicaines, belliqueuses. Bismark avait dit à Jules Favre qu’il ne voulait pas d’Assemblée parce que cette Assemblée serait pour la guerre. Raison de plus pour la vouloir. Des circulaires énergiques, quelques mesures contre les intrigants, des instructions précises eussent dégagé victorieuse cette flamme de résistance. Une Assemblée forte de toutes les énergies républicaines, siégeant dans une ville populeuse, pouvait centupler l’énergie nationale, tout exiger du pays, sang et or. Elle proclamait la République et, en cas de malheur, obligée de traiter, la sauvait du naufrage, nous garait de la réaction. Mais les instructions de Gambetta étaient formelles. « Des élections à Paris amèneraient des journées de Juin », ajoutait-il. « On se passera de Paris », répondait-on. Tout fut inutile, même l’adjuration de ses familiers les moins révolutionnaires, tel Laurier. Plusieurs préfets incapables d’enlever leur milieu faisant pressentir des élections douteuses, Gambetta s’autorisa de leur timidité et, par défaut d’audace, prit la dictature.

Sa devise, il l’a dite : « Maintenir l’ordre et la liberté et pousser à la guerre. » Personne ne troublait l’ordre, et tous les patriotes voulaient marcher. Les Ligues contenaient de très bons éléments capables de donner des cadres et chaque département possédait des groupes de républicains éprouvés auxquels on pouvait confier l’administration de la défense sous la direction de commissaires. Malheureusement ce jeune homme si grand agitateur croyait aux vieilles formes. Ces Ligues lui parurent sécessionisme ; il lia étroitement les rares commissaires qu’il accorda, remit tout pouvoir aux préfets, pour la plupart chicots de 48, ou ses collègues de la conférence Molé, mous, timides, préoccupés de tout ménager, quelques-uns de se tailler un collège. Dans certaines préfectures on garda les mêmes employés qui avaient dressé les listes de proscription du 2 Décembre. Crémieux n’avait-il pas appelé les bonapartistes des « républicains égarés. » Aux Finances, forteresse des réactionnaires, à l’Instruction publique, bourrée de bonapartistes, il fut interdit de destituer un titulaire, presque impossible de