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qu’à protester, s’imaginant qu’ils n’étaient pas responsables de l’issue.

Après leur départ les Défenseurs délibérèrent. Jules Favre demandait à Trochu sa démission. L’apôtre prétendait qu’on le destituât, voulant paraître incapitulable devant l’histoire ; leur offrant du reste un mot digne d’Escobar : « S’arrêter devant la faim c’est mourir, ce n’est pas capituler »[1]. Ils s’échauffaient un peu lorsque, à trois heures du matin, on annonce que la prison de Mazas vient d’être forcée ; Flourens et plusieurs autres détenus politiques ont été enlevés par une troupe de gardes nationaux. Nos Défenseurs, qui flairent un 31 octobre, précipitent leurs résolutions, remplacent Trochu par le général Vinoy. Le bonapartiste se fit prier. Jules Favre et Le Flô ministre de la guerre, lui montrèrent le peuple debout, l’insurrection imminente, le préfet de police qui apportait sa démission. Les hommes du 4 Septembre 70 en étaient à supplier ceux du 2 Décembre 51. Vinoy daigna céder. Il débuta en vrai bonapartiste par s’armer contre Paris, dégarnit ses lignes devant les Prussiens, rappela les troupes de Suresne, Gentilly, les Lilas, mit la cavalerie et la gendarmerie sur pied. Un bataillon de mobiles du Finistère se fortifia dans l’Hôtel-de-Ville commandé par un colonel de la garde nationale, Vabre, réactionnaire fort cruel. Clément Thomas, dans une proclamation furibonde : « Les factieux s’unissent à l’ennemi… », adjura la garde nationale de « se lever tout entière pour les frapper. » Il ne l’avait pas levée tout entière contre les Prussiens.

Il y avait en l’air des signes de colère, non pas d’une journée sérieuse. Beaucoup de révolutionnaires, dont Blanqui, sentant que tout était à bout, n’admettaient pas un mouvement qui, victorieux, eût sauvé les hommes de la Défense et pris leur place pour capituler. D’autres, dont la raison n’éclairait pas le patriotisme, chauds encore des ardeurs de Buzenval, croyaient à la sortie en masse, disaient : il faut sauver l’honneur. Quelques réunions avaient voté la veille qu’on s’opposerait par

  1. Jules Simon, Souvenirs du 4 septembre.