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Paris qui s’était cru à la victoire, se réveilla au glas de Trochu. Le général demandait un armistice de deux jours pour enlever les blessés, ensevelir les morts et en plus « du temps, des voitures et beaucoup de brancardiers. » Morts et blessés ne dépassaient pas trois mille hommes.

Cette fois enfin, Paris vit l’abîme. Les Défenseurs, dédaignant de dissimuler plus longtemps, réunirent les maires et leur dirent que toute résistance était impossible. Trochu ajouta pour les consoler que, « dès le 4 septembre au soir, il avait déclaré que ce serait folie d’entreprendre de soutenir un siège contre l’armée prussienne[1]. » La sinistre nouvelle courut bientôt la ville.

Pendant quatre mois de siège, Paris avait tout accepté d’avance, la famine, la peste, l’assaut, tout, sauf la capitulation. Là-dessus, le 20 janvier 71, il était, malgré sa crédulité, sa faiblesse, le Paris de septembre 70. Quand le mot éclata, il y eut d’abord un ébahissement énorme comme devant les crimes monstrueux, contre nature. Les plaies de ces quatre mois s’avivèrent criant vengeance. Le froid, la faim, le bombardement, les longues nuits aux tranchées, les petits enfants s’éteignant par milliers, les morts semés dans les sorties, tout cela pour entrer dans la honte, faire escorte à Bazaine, devenir Metz seconde. On crut entendre le ricanement prussien. Chez quelques-uns, l’éblouissement devint fureur. Ceux-là mêmes qui soupiraient après la reddition prirent des attitudes. Le blême troupeau de maires se cabra. Le 21 au soir Trochu les reçut encore, dit que tous les généraux consultés et même des officiers de moindre grade avaient, le matin même, conclu à l’impossibilité d’une nouvelle sortie. Debout, le dos au feu, de beau geste, il leur démontra mathématiquement l’absolue nécessité de démarches auprès de l’ennemi, déclara ne pas vouloir s’en mêler, et, de cette langue aux révolutions incomparables, insinua aux maires de capituler pour lui. Ils firent la grimace, se montèrent même jus-

  1. Enquête sur le 4 Septembre, Corbon, t. IV, p. 389.