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bre, il mettait son devoir à tromper Paris, pensait : « Je vais te rendre, mais c’est pour ton bien. » Après le 31 octobre, il crut sa mission doublée, se vit l’archange, le saint Michel de la société menacée. C’est la seconde période de la Défense. Elle tient peut-être dans un cabinet de la rue des Postes, car les chefs du clergé virent plus nettement que personne le danger d’un avènement de travailleurs. Leurs menées furent très souples. Une sorte d’évêque à la Turpin, botté, barbu, jovial, grand videur de bouteilles et retrousseur de cotillons, main large et langue hâbleuse, Bauer, ne quittait pas Trochu, activait son antipathie de la garde nationale. Partout ils surent mettre le grain de sable à l’endroit vital, pénétrant les états-majors, les ambulances, les mairies. Comme le pêcheur aux prises avec une proie trop grosse, ils noyèrent Paris, dans son fluide, lui soutirèrent ses forces par secousses. Le 28 novembre, Trochu donna la première : une sortie à grand orchestre. Le général Ducrot qui commandait s’annonça en Léonidas. « J’en fais le serment devant vous, devant la nation entière, je ne rentrerai dans Paris que mort ou victorieux. Vous pourrez me voir tomber, mais vous ne me verrez pas reculer. » Cette proclamation enfiévra tout Paris. Il se crut à la veille de Jemmapes où les volontaires parisiens escaladèrent les crêtes garnies d’artillerie, car cette fois la garde nationale allait donner.

Nous devions faire trouée par la Marne pour aller rejoindre les armées de province et passer la rivière à Nogent. L’ingénieur de Ducrot avait mal pris ses mesures.  ; les ponts n’étaient pas en état. Il fallut attendre jusqu’au lendemain. L’ennemi, au lieu d’être surpris, put se mettre sur la défensive. Le 30, d’un bel entrain, nous emportâmes Champigny. Le lendemain, Ducrot resta inactif pendant que l’ennemi, dégarnissant Versailles, accumulait ses forces sur Champigny. Le 2, il reprit une partie du village. Toute la journée on se battit durement. Les membres du Gouvernement, que leur grandeur retenait à l’Hôtel-de-Ville, se firent représenter sur le champ de bataille par une lettre à leur « bien cher président ». Le soir, nous campions sur nos positions, mais gelés. Le cher président avait ordonné