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âmes viriles. Le Combat, qui prêchait la Commune en apostrophes boursouflées dont le clinquant attirait plus la foule que la dialectique nerveuse de Blanqui, lança le 27 une bombe effroyable : « Bazaine va livrer Metz, traiter de la paix au nom de Napoléon III ; son aide de camp est à Versailles. » L’Hôtel-de-Ville dément cette nouvelle « aussi infâme, dit-il qu’elle est fausse. Bazaine, le glorieux soldat, n’a cessé de harceler l’armée assiégeante par de brillantes sorties. » Le Gouvernement appelle sur le journaliste le « châtiment de l’opinion publique. » À ce lancé, l’opinion, sous forme de hurleurs, accourut, brûla le journal et eût écharpé le journaliste s’il n’eût décampé. Le lendemain, le Combat déclara tenir la nouvelle de Flourens, qui l’avait reçue de Rochefort au mieux avec son collègue Trochu.

Ce jour-là un coup de main heureux nous livrait le Bourget au nord-est de Paris et, le 29, l’état-major claironna un triomphe. Toute la journée, il laissa nos soldats sans vivres, sans renforts, sous le feu des Prussiens qui revinrent le 30 avec quinze mille hommes et reprirent le village à ses seize cents défenseurs. Le 31 octobre, à son réveil, Paris reçut trois coups dans la poitrine : la perte du Bourget, la capitulation de Metz et de toute l’armée du « glorieux Bazaine, » l’arrivée de M. Thiers venant négocier un armistice.

Les défenseurs, très convaincus que Paris irait à la paix, affichèrent côte à côte l’armistice espéré et la capitulation certaine, une « bonne et une mauvaise nouvelle », a dit Jules Ferry, qui appelait l’armistice « une compensation »[1].

Paris n’eut qu’un bond, comme à la même heure Marseille, Toulouse, Saint-Étienne. Une heure après l’affichage sous la pluie, la foule crie devant l’Hôtel-de-Ville : « Pas d’armistice ! » et, malgré la résistance des mobiles, envahit le vestibule. Étienne Arago, ses adjoints Floquet et Henri Brisson accourent, jurent que le Gouvernement s’épuise pour le salut. Le premier flot se retire : un autre bat la porte. À midi, Trochu apparaît

  1. Enquête sur le 4 Septembre, Jules Ferry.